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Fausse_Couche_Vrai_Drame Fausse_Couche_Vrai_Drame

La fausse couche, décrite précédemment par le Dr Gueneuc, est un événement fréquent et médicalement bénin. Mais derrière cette banalité peut se cacher une profonde détresse.

Alors que les professionnels de la santé maternelle proposent des soins avancés pour les effets physiques de la perte de grossesse, on peut entendre chez beaucoup de femmes un défaut de prise en charge concernant leur bien-être et le soutien psychique.

Chaque femme peut être affectée différemment et ressentir alors du chagrin, de l'anxiété, voire une forme de dépression à l’interruption brutale de ce projet de bébé.

Quelques chiffres et études

Des études suggèrent qu'après une fausse couche, 30 à 50% des femmes souffrent d'anxiété et 10 à 15% souffrent de dépression, qui dure généralement jusqu'à quatre mois. Selon le National Institute of Health and Care Excellence (NICE) au Royaume-Uni, le deuil consécutif à une fausse couche est «comparable par sa nature, son intensité et sa durée» aux réactions de deuil chez les personnes souffrant d'autres types de pertes importantes.
Une étude de 2016 attire l'attention sur la nature traumatisante d'une grossesse perdue: elle a révélé que quatre femmes sur dix présentaient des symptômes de stress post-traumatique dans les trois mois suivant une fausse couche ou une grossesse extra-utérine. Ces symptômes comprennent des cauchemars, des flashbacks et la ré-expérience des sentiments associés à la perte. Certaines femmes ont également indiqué qu'elles tentaient d'éviter des situations qui leur rappelleraient leur perte, comme fréquenter des amis ou des proches enceintes.

L’événement peut même affecter la grossesse suivante. Dans le Journal of Psychosomatic Obstetrics & Gynecology, une équipe de l’hôpital Sainte-Justine (Montréal, Québec) s’est intéressée à l’anxiété exprimée par les femmes enceintes, selon l’issue de leurs grossesses précédentes. Près de 37 % des 1 505 participantes avaient vécu au moins une fausse couche, et leur score moyen d’anxiété au premier trimestre de la grossesse était «significativement plus élevé» que chez celles n’en ayant pas vécu. Conclusion des auteurs: «L’intégralité de l’histoire obstétricale de la patiente doit être considérée pour la prise en charge de la grossesse en cours.»

Lien entre le physique et la vie intérieure

Si la fausse couche est un événement difficile à vivre pour la plupart des femmes qui y sont confrontées, il existe cependant plusieurs types de fausse couche qui peuvent entraîner des expériences très différentes.
Alors que celle-ci peut être spontanée et annoncée par des douleurs ou des saignements, elle peut également être détectée lors d’une échographie sans qu’aucun signe n’ait pu laisser présager de l’arrêt de la grossesse.
Dans ce cas, la brutalité de l’annonce peut laisser place ensuite à un choc émotionnel, un sentiment d’injustice ou de culpabilité, un chagrin inconsolable ….
De plus, la fausse couche vient s’inscrire dans l’histoire personnelle de chaque femme et on peut donc penser que son impact psychologique et son vécu seront différents en fonction des événements et des récits de vie avec lesquels elle va entrer en résonance.

Dès lors que la femme a conscience d’une vie en elle, l’événement ne peut pas être anodin. Certaines se sont déjà projetées sur la vie avec un bébé, ont déjà acheté le premier petit pyjama… Cela montre le fossé entre notre vie physique et notre vie intérieure. Rationnellement, une patiente peut tout à fait entendre qu’une fausse couche n’est pas grave. Mais ce n’est pas ce qu’elle ressent dans ses émotions. L’écart entre la raison et le ressenti est plus ou moins important, mais c’est souvent le ressenti qui gagne.

Mieux comprendre ce qui se joue dans le psychisme des patientes est donc indispensable. Contrairement à d’autres types de pertes, il n’existe pas de rituels permettant de gérer la peine. Les normes sociales peuvent aussi encourager la discrétion, ce qui se traduit par un soutien moins important des amis et collègues.

La signification de la perte

Pour de nombreuses femmes, la fausse couche est vécue comme la perte d’un bébé. Elles expriment alors le décalage entre le stade de leur grossesse et leur perception. Beaucoup de femmes avaient commencé à se projeter dans l’avenir avec leur enfant
  Certaines femmes expliquent en revanche que la fausse couche ne correspond pas à la perte d’un bébé, laissant parfois paraître dans leur propos un processus défensif de dénégation. 
Malgré le vécu difficile de beaucoup de femmes, certaines insistent pour dire qu’elles vivent bien la fausse couche ou ont un vécu ambivalent. Même lorsque la fausse couche est bien vécue, elle n’est pas perçue comme un événement anodin.

Beaucoup de femmes cherchent à donner du sens et à expliquer leur fausse couche, quitte à mettre en cause certains de leurs comportements. La culpabilité est un sentiment fréquemment évoqué par les femmes :« Je vois toutes les copines, elles ont des bébés, tout va bien, qu’est-ce que j’ai fait de mal ? ». Plusieurs femmes se disent cependant rassurées par les explications fournies par le médecin, comprenant bien alors que ce n’est pas lié à quelque chose qu’elles auraient fait ou mal fait.

Si les premiers jours sont les plus difficiles, ils sont suivis d’une amélioration et le discours des femmes met l’accent sur la notion de processus et de deuil .

La grossesse d’après

Une des préoccupations des femmes concerne le moment d’une nouvelle grossesse. Beaucoup expriment leur impatience de retomber enceinte
  D’autres expriment au contraire leur besoin de temps.
Si quelques femmes sont confiantes quant à la grossesse suivante, beaucoup appréhendent cette expérience et mettent en avant leurs inquiétudes. Certaines femmes mettent en avant le cap que représentent les trois premiers mois ou la première échographie pour l’investissement de leur grossesse. 

Certaines femmes vont parfois s’effondrer lorsque l’enfant paraît. Elles ne font alors pas spontanément le lien avec la fausse couche précédente, mais le sujet peut survenir lors d’une discussion.
Bien au-delà de la souffrance psychique ressentie par les femmes après leur fausse couche, la perte précoce d’une grossesse vient bouleverser de nombreuses sphères de la vie des femmes, notamment les relations avec le conjoint et le bien-être des enfants du couple, mais également les relations avec l’entourage élargi.

Où trouver du soutien après une fausse couche ?

Une personne de confiance, compatissante et capable d’un certain recul peut aider la femme en deuil. Beaucoup de femmes, lorsqu’elles en parlent, découvrent qu’elles ne sont pas seules, qu’une tante, une amie, une collègue, leur mère parfois aussi,  a été confrontée à cette situation.
C’est auprès d’elles, qu’elles pourront sans doute trouver l’écoute nécessaire, au moment de caps qui seront difficiles à vivre comme par exemple la date à laquelle l’enfant aurait dû naître, celle du congé de maternité, de la fausse couche…

Même si dans la plupart des cas, les femmes trouvent un soutien précieux auprès de leur compagnon et que la fausse couche peut même renforcer les liens du couple, le conjoint est parfois désarmé face à une situation qu’il ne comprend pas pleinement.
Il existe souvent un décalage entre le ressenti physique et psychologique des femmes et des hommes. Aussi touchés soient ils, ces derniers veulent donner une image solide et rassurante. Or si certains sont très investis dès le début, d’autres ne prennent conscience de leur paternité qu’en voyant le ventre s’arrondir, quand l’enfant commence à bouger, voire quand ils le tiennent dans leurs bras. Ce qui peut créer des tensions et bouleverser l’équilibre du couple.

Fausse couche, du temps pour se réconcilier avec soi

Il est important de parler avec son conjoint de ce que chacun ressent, sans attendre d’être au plus fort de la crise, de parler aussi de la baisse du désir qui peut suivre une fausse couche. Ce sont des phénomènes passagers qu’il faut accepter sans angoisse.
Evoquer aussi la peur de la répétition et la réticence qu’éprouvent certaines femmes à redémarrer une grossesse, peurs bien compréhensibles, est une étape essentielle pour envisager l’avenir.
L’angoisse peut parfois être la cause de petits blocages qui retardent le retour des règles et différent une grossesse future.
Vous l’aurez compris, se donner du temps pour se réconcilier avec ce corps qui nous a fait défaut, oser parler de ce que l’on ressent vous permettra de trouver de l’apaisement et de pouvoir aborder une nouvelle grossesse avec une sérénité retrouvée.